Hour Of Witches

L'avantage de travailler dans un lieu fréquenté ? Les ragots. Séraphina avait beau se moquer d'une majorité de choses, elle n'en demeurait pas moins friande de ragots. Elle aimait découvrir les secrets des uns et des autres, sa curiosité titillée par tous ces mystères. Apprenant tantôt des histoires diablement scandaleuses, tantôt des histoires hilarantes. Mais cette fois, c'était une tout autre chose. En effet, une sirène s'était présentée à l'Aubépine afin de faire soigner une vilaine coupure. Elle se l'était faite après une escapade dans l'océan. Séraphina adorait entendre les histoires d'Astrid, la sirène n'avait jamais sa langue dans sa poche, ce qui assurait d'apprendre tout un tas de choses. Alors qu'elle soignait la plaie de la jeune femme, Astrid s'était mise à chuchoter avec Soléna, une fée. Tendant l'oreille, la rousse avait épié la conversation. La rumeur courait qu'un trésor serait lié à l'épave du bateau, se trouvant sur la plage.

La grécienne s'y rendait rarement en hiver, le vent était bien trop piquant à son goût. En été par contre, c'était une tout autre affaire, elle adorait y prendre le soleil et tremper ses pieds dans l'eau salée. Mais voilà que les sirènes avaient observer un étrange manège près de l'épave, lorsque la nuit tombait. Des ombres se faufilaient dans les débris avant de ressortir, des heures plus tard. Les ombres finissaient toujours par disparaître et une sirène, plus téméraire que les autres, s'était un jour faufilée dans l'épave. Elle en était ressortie bredouille. Très étrange. La sirène avait fouillé les décombres, sans rien trouver de particulier. Pourtant, presque chaque nuit, les ombres revenaient près de l'épave. Rendez-vous secrets ? Plans formatés dans l'obscurité ? Voilà qui attisait grandement la curiosité de la gorgonne.

Terminant de soigner Astrid, elle ne s'était pas mêlée de la conversation, peu désireuse d'attirer l'attention sur ses envies futures. Car elle comptait bien se rendre à l'épave du bateau afin de tirer tout cela au clair, c'était bien trop étrange que pour laisser les choses en l'état. Que pouvait bien contenir cette fameuse épave pour attirer autant de monde ? De ce que la rousse en savait, le bateau avait été pillé des années auparavant, il était sensé ne plus rien rester de valeur. Si bien que l'épave en avait été oubliée de la plupart et délaissée. Mettant tout cela dans un coin de sa tête, elle s'en alla accueillir une autre créature qui désirait se procurer un baume afin de soulager des irritations.


Quelques heures plus tard, alors que le soleil baissait à l'horizon, Séraphina termina de s'occuper de son dernier client avant de s'étirer longuement. La journée lui avait semblé interminable, mais elle n'en avait pas pour autant oublier son projet. Saluant ses compagnons de travail, elle quitta l'échoppe pour rentrer chez elle. Là, elle enfila des vêtements sombres et une cape de couleur brun foncé, remontant la capuche sur sa tête. Elle mangea un morceau avant de partir, peu désireuse de partir le ventre vide et enfila son arc en travers de sa poitrine, enfilant son carquois de flèches dans son dos. Alors que la nuit prenait possession du ciel, elle patienta tranquillement dans sa demeure, que la nuit s'établisse complètement à Salem. Une fois le ciel empli d'étoiles, elle se faufila par la fenêtre de sa chambre et s'envola dans le ciel nocturne.

Le trajet jusqu'à l'épave ne fut pas bien long, si bien qu'elle préféra d'abord se percher à la cime d'une falaise, dissimulée dans un recoin, observant en contre-bas. Le bruit des vagues couvrait les sons aux alentours et malgré sa vue peu précise lorsque la nuit était présente, elle distinguait tout de même les ombres grâce à la lune. Séraphina patienta un long moment, jusqu'à ce que ses jambes s'engourdissent et qu'elle ressente le besoin de bouger. Rien ne semblait anormal, alors elle se décida à s'approcher de l'épave. Le vent marin s'était levé, apportant avec lui l'air salé de l'océan. La grécienne resserra sa cape autour d'elle et saisi son arc, encochant une flèche par mesure de sécurité. Après tout, on ne savait jamais à quoi ou à qui l'on pourrait rencontrer là-dedans. Reprenant forme humaine, elle se faufila dans l'épave sombre.

Concentrée sur sa tâche et ne voyant pas grand-chose dans toute cette obscurité, Séraphina en vint à se demander si elle ne possédait pas, quelque part, des tendances suicidaires. Qu'avait-elle à se mettre ainsi en danger à chaque fois que sa curiosité était piquée ? N'avait-elle rien appris des enseignements de son père ? Se fustigeant intérieurement, elle songea qu'elle n'aurait vraiment pas dû s'enfoncer dans un endroit aussi exigu. Ceci dit, elle avait longuement patienté et personne n'était venu auprès de l'épave, l'endroit semblait sûr. Mais c'était bien là le problème, tout résidait dans cette supposition. Alors qu'elle allait poser un autre pied devant elle, la grécienne se figea brusquement, son instinct lui soufflant qu'elle n'était plus seule. Ne pouvant faire de mouvements brusques, elle demeura immobile, les sens à l'affût, jusqu'à ce qu'elle sente quelque chose frôler son flanc. Le bruissement d'un fourreau la fit se retourner rapidement et elle saisit la flèche, jadis encochée, dans sa main, la pointant vers l'intrus.

Une voix grave s'éleva alors et elle reconnut immédiatement l'accent qui teintait les paroles. Poussant à son tour un soupir, elle baissa la flèche et fronça les sourcils.

— Ta présence ne devrait pas m'étonner non plus...

Une moue étira les lèvres de la rousse et elle balaya l'air de sa main.

— Oui, oui, ne crois-tu pas que je ne l'ai pas constaté ?

Elle remit la flèche dans son carquois et passa son arc dans son dos. Au vu de l'espace dont elle disposait ici, elle n'aurait aucune utilité de son arc, elle devrait se servir de ses flèches à main nue ou de ses pouvoirs, si un danger se présentait. Si seulement, elle n'avait pas bêtement perdu sa dague, quelques semaines auparavant. Séraphina reporta ensuite son attention sur Cahir.

— Je pourrais tout aussi bien te retourner tes questions, mais je crains d'en connaître déjà les réponses.

Elle grimaça, s'il était là, cette nuit en particulier, c'était qu'il avait également entendu parler du trésor. Et la rousse n'avait aucune envie de le partager avec lui, si trésor, il y avait. Voilà qui devenait un problème bien épineux. Reprendre sa forme originelle ici, ne ferait qu'entraver ses mouvements. Peut-être aurait-elle le temps de le changer en pierre, ce ne serait que justice puisqu'elle était arrivée ici en première, mais elle rechignait à utiliser ses pouvoirs sur ceux qu'elle considérait comme des amis. Et puis, il fallait bien avouer qu'elle ignorait tout de ce qu'elle cherchait, peut-être pourrait-elle négocier avec le Farfadet ?

— Je crains que nous soyons face à un problème. J'ai comme l'impression que tu ne seras pas d'accord de partager ce trésor avec moi et je dois bien avouer que l'idée ne m'enchante pas non plus. Ceci étant, je suis arrivée la première dans l'épave, ce qui me donne donc le droit de rester et de chercher ce trésor. Peut-être pourrions-nous nous arranger autrement...

Elle réfléchit et puis son regard brilla soudainement en souvenir d'une arme en particulier, qui lui faisait de l'œil depuis un moment dans la collection de Cahir.

— Si je te laisse obtenir le trésor, si trésor il y a... Accepterais-tu de me donner la dague de rubis que je désire depuis un moment ? En échange, je t'aiderais à trouver ledit trésor, bien entendu.

Lorsque Cahir souriait de cette manière, ce n'était jamais bon signe. Séraphina plissa les yeux et retroussa les lèvres. Elle voyait bien que le cerveau du farfadet tournait à plein régime, certainement à la recherche d'un moyen de la rouler dans la farine. C'était sa spécialité, entourer ses paroles de satin afin d'amadouer, pour ensuite rafler la mise avant de disparaître. Combien de fois ne l'avait-elle pas vu faire, surtout lorsqu'il se trouvait à l'Épona. Il s'évertuait à dire qu'ils étaient arrivés en même temps, mais la grécienne était certaine d'être arrivée en première. Ceci dit, il ne servait à rien de tenter de corriger cette erreur, le blond resterait camper sur ses positions. Ensuite, voilà qu'il se mettait à lui refuser la dague. Séraphina lui jeta un regard mauvais et haussa les épaules.

— Je suis parfaitement consciente de ce que je te demande. Tu ne crois quand même pas que je vais t'aider à trouver ce trésor gratuitement. Si c'est le cas, c'est toi qui te fourres le doigt dans l'œil, jusqu'au coude.

Elle fit un geste de la main dédaigneux et poussa un soupir. Non, les négociations n'allaient pas être simples. Mais après tout, rien n'était jamais simple avec Cahir, il trouvait toujours la petite bête pour titiller ceux qui gravitaient autour de lui. La rousse s'apprêtait à entrer dans un débat aussi long qu'éreintant avec le blond, lorsqu'il revint sur ses paroles. Il lui donna sa parole qu'il lui donnerait la dague s'ils trouvaient le trésor. Suspicieuse quant à son changement soudain d'avis, elle demeura interdite. Alors qu'il venait d'avoir une réaction tout à fait normale lorsqu'elle avait mentionné son trésor, la première fois. Voilà qu'il changeait du tout au tout. Séraphina pointa alors un doigt vers lui.

— Ta parole ? Mon cher, il va me falloir bien plus que cela. Je désire un pacte de sang devant les dieux. Jure devant les dieux que tu me donneras la dague si nous trouvons un trésor.

Oui, Séraphina était peut-être assez idiote que pour s'enfoncer dans une forêt seule, mais tout de même. Elle n'était pas assez simplette que pour faire confiance à l'arnaqueur de Salem. Aussi joli et sympathique était-il. Après tout, elle n'était pas membre du Conseil parce qu'elle était idiote. Afin de prouver sa bonne foi, la grécienne regarda autour d'elle et finit par trouver un morceau de bois pointu. Elle appuya son index dessus, assez fort que pour que le sang se mette à perler. Ensuite, elle tendit son index vers lui et prit une voix solennelle.

— Je jure devant les dieux, de faire tout ce qui est en mon pouvoir afin d'aider Cahir Ó'ceallacháin à trouver le trésor, s'il existe.

Une promesse de sang, devant les dieux, était quelque chose de sacré pour elle et pour la plupart des habitants de Salem. Briser une promesse de sang devant les dieux était un sacrilège et c'était accepter de se soumettre au jugement des dieux pour déloyauté. Être maudit des dieux n'avait rien d'enviable, c'était même l'enfer sur terre selon les histoires qu'elle avait déjà entendue. S'il y avait bien une promesse que Cahir tiendrait, ce serait celle-là. Et s'il refusait de faire ce pacte, elle saurait parfaitement à quoi s'en tenir. Un léger sourire étira le coin de ses lèvres en songeant qu'elle venait très probablement de piéger le piégeur, à son propre jeu.